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Quatre premières observations de la saison NBA

Quatre premières observations de la saison NBA 7 November 2019
Ezra Shaw/Getty Images

Le début du mois de novembre est toujours une période cocasse pour analyser la NBA. Les vrais matches ont repris après des mois de trépidation, et tout le monde est impatient de pouvoir dégager des conclusions quant aux nouvelles tendances de la ligue. Seulement, deux semaines de compétition ne donnent que peu d’informations et ces conclusions ont souvent l’air stupides quelques jours plus tard.

Les séries de défaites sont communes en NBA. Toutes les équipes ont perdu deux matches de suite, au moins une fois, l’année dernière. Mais, quand elles arrivent en début de saison, ces mauvaises passes provoquent curieusement panique et affolement. À l’exception d’une indisponibilité de son meilleur joueur pour plus de la moitié du championnat, il est trop tôt pour dire des présomptions d’avant-saison pour une équipe qu’elles sont justes ou erronées. C’est encore plus vrai pour un joueur, dont la moindre performance fait osciller ses statistiques entre futur Hall of famer et Javaris Crittenton.

Certaines indications attirent tout de même la curiosité et peuvent être utiles, même à ce stade embryonnaire de la saison. Elles permettent d’observer les intentions d’une équipe, plutôt que la finalité de son projet. En voici donc quelques-unes.

Les Phoenix Suns sont… bons ?

Les Suns ont commencé la saison avec un statut leur étant familier depuis une décennie : celui de punchline. Auréolé d’un bilan famélique de 19 victoires et 63 défaites, Phoenix a échangé le 6e choix de la dernière draft (Jarrett Culver) à Minnesota contre le 11e choix (Cameron Johnson) et Dario Saric. Que même les amis de Johnson s’étonnent de sa sélection aussi haut, et qu’il soit plus âgé que Devin Booker – présentement dans sa cinquième saison professionnelle – n’ont fait qu’ajouter au quolibet collectif. Ils ont ensuite couvert les frais de scolarité des arrière-petits-enfants de Ricky Rubio, et échangé un 1er tour de draft à Boston contre Aron Baynes.  

Leur insistance à recruter des vétérans au détriment du développement de jeunes talents, n’était pas sans rappeler les brillantes réussites de la saison passée et les acquisitions de Trevor Ariza et Ryan Anderson, qui ont résulté en une quatrième saison consécutive à moins de 25 victoires (!). Et pourtant, après sept matches, les Suns sont tout sauf une punchline.

Et il est difficile de trouver une raison spécifique à cela. En dehors de Baynes, aucun joueur de Phoenix ne surpasse abondamment ses moyennes en carrière. Leurs matches ne sont pas particulièrement divertissants, à moins que les écrans et rotations défensives en tête de raquette ne soient votre tasse de thé. Une de leurs pièces maîtresses, supposée être meilleure que Luka Doncic, est suspendue jusqu’en décembre, et leur free agent vedette ne rentre que 37% de ses tirs. 

Les Suns sont en fait devenus une équipe fonctionnelle justement parce qu’ils ne font rien d’inouï. Ils ne sont pas portés par un ou plusieurs joueurs exceptionnels, mais par la propreté de leur positionnement sur le parquet, la parfaite exécution de principes simples et la ténacité de role players tout bonnement compétents. Leur style de jeu, sans être remarquable, est remarquablement mené à bien.

La sobriété des plans de jeux de Monty Williams est la plus évidente en défense, où ses joueurs ne s’appliquent qu’à suivre trois règles : la pression sur le porteur de balle, le repli dans la raquette, et les efforts lorsque battu par un écran. Grosso modo, être emmerdant à jouer. Rubio est maître en la matière, Kelly Oubre et Mikal Bridges sont incroyablement longs et agiles, et Saric n’est pas le plus facile à déplacer poste bas. Même Devin Booker, jamais réputé pour son intensité défensive, se met à contester des passes main à main.

Il n’a pas grandi ni n’est devenu plus rapide pendant l’été. Il fait se donne simplement plus, comme sur la possession suivante, contre Philadelphie. Il coulisse vers l’arrière, puis vers l’avant, passe ses hanches à travers l’écran et conteste le tir de Josh Richardson, là où il aurait abandonné au premier changement de direction, il y a six mois.

Cette volonté d’agresser le porteur de balle augmente encore quand Jevon Carter entre en jeu. La pression tout terrain est un précepte en voie d’extinction en NBA, sauf à Phoenix, où Carter est infatigable. Le pauvre Tyus Jones a eu besoin de 10 secondes pour initier l’attaque de Memphis ici. 

La pression sur 28 mètres force l’adversaire à utiliser de précieuses secondes à l’horloge, mais elle n’est plus beaucoup utilisée pour deux raisons : il est difficile de défendre aussi physiquement sans commettre de faute et elle peut être contrée avec des appels dans le dos du défenseur. Les Suns acceptent la première raison comme un compromis nécessaire. Ils sont bons derniers au taux de fautes commises, ce qui agace Monty Williams officiellement, mais sûrement pas tant que cela officieusement. 

Ils ripostent à la deuxième raison en changeant sur les écrans, surtout les pick-and-rolls, et en provoquant le surnombre dans la peinture. Cette stratégie ne peut cependant fonctionner qu’avec un autre élément clé de leur défense : la présence permanente du pivot à proximité du panier. Pivot qui s’efforce de rester les pieds au sol, au lieu d’essayer de contrer les tirs. Un exercice dans lequel excelle Aron Baynes. Il est imposant, rigoureux, indifférent aux louanges comme à l’embarras. La Sainte Trinité de l’intérieur besogneux. Avec Baynes qui patrouille la ligne de fond, ses coéquipiers peuvent s’atteler à exercer une pression agressive et se replier dans la raquette le moment venu.

L’attaque de Phoenix bénéficie tout autant de la simplicité prônée par Williams. Si le montant du contrat de Ricky Rubio est discutable, son apport sur le parquet l’est beaucoup moins. Il permet aux Suns de commencer leurs systèmes rapidement et de maximiser le temps de possession. En cela, il soulage Devin Booker du fardeau qu’il portait lorsqu’il était épaulé de De’Anthony Melton, Troy Daniels et Élie Okobo la saison passée. Booker peut dépenser plus d’énergie en défense et dans la lecture du jeu. 

Il score légèrement moins mais prend des shoots de meilleure qualité, dans la fluidité de l’attaque plutôt qu’au bout d’actions désespérées. Il inscrit 56% de ses paniers après une passe décisive, contre 36% l’année dernière. Dans la même veine, il prend 45% de ses shoots après un ou aucun dribble, contre 34% l’année dernière. Le tout résultant une efficacité à rendre Stephen Curry jaloux. Il peut aussi se permettre de faire moins grâce au mouvement constant de ses partenaires. Sur chaque possession, Frank Kaminsky et Dario Saric déambulent comme des insectes attirés par la lumière.

Surtout, les intérieurs des Suns s’appliquent à ne jamais aller dans la raquette quand un joueur s’y trouve déjà. Ils évoluent sur le périmètre pour ouvrir des lignes d’appels aux autres joueurs. L’évolution de Baynes en shooteur extérieur est ici aussi épatante que nécessaire. Il tente plus de 6 shoots à 3 points par 36 minutes, et en rentre 48%. C’est prodigieux. Il pose des écrans, étire la défense et attend que le défenseur aide sur la pénétration de ses arrières. Un stretch-five de tout premier ordre.

Protéger la peinture, se déplacer sans ballon, bien se positionner… Des composantes prérequises au succès en NBA, qui n’ont rien d’extraordinaire, mais que les Suns ne prennent pas à la légère. Les joueurs et l’entraîneur acquis à l’intersaison incarnent ce professionnalisme de tous les instants. C’est peu, mais c’est déjà beaucoup au vu de la putréfaction de l’équipe ces dernières années. 

La compétence n’est pas l’excellence, donc les playoffs sont loin d’être garantis à Phoenix. Ses sept premiers adversaires n’ont tenté que 29 tirs à 3 points par rencontre, et n’en ont inscrit que 33%. Cela ne durera pas toute la saison. Mais puisqu’il s’agit d’une franchise où des chèvres déféquaient récemment dans le bureau du General Manager, la compétence est peut-être bien l’excellence.

RUSSELL WESTBROOK EST LE VECTEUR D’INFLUENCE ULTIME

Que cela se sache : on ne change pas Russell Westbrook, c’est lui qui vous change. Depuis son arrivée à Houston, il est le même joueur sans limitation de vitesse qu’il était à Oklahoma City, et les Rockets lui emboîtent le pas. 4e équipe la plus lente la saison dernière derrière l’irrécusable jeu en isolation de James Harden, Houston est désormais la 2e équipe la plus rapide de la ligue avec 108 possessions par match, 10 de plus qu’avant Westbrook. 

Toutes les équipes jouent plus vite en ce début de saison – 2,6 possessions par match de plus que l’année dernière – mais aucune ne connaît une augmentation semblable à celle des Rockets. Et cette accélération ne reflète pas uniquement leur propension nouvelle à jouer en transition. Ils sont également l’équipe aux possessions les plus courtes après un panier adverse, à 14,5 secondesWestbrook joue tellement vite, tentant de battre les défenses avant qu’elles ne soient en place, que les réalisateurs de télévision n’ont parfois même pas le temps de choisir la bonne caméra avant que l’action ne touche à sa fin.

La moyenne de possession accrue de Houston n’est pas seulement le fruit d’une nuit de folie à 317 points passée à Washington. Westbrook joue vite, tout le temps, contre tout le monde. Une qualité ou un défaut que les Rockets n’avaient pas avant sont arrivée.

Les résultats laissent encore à désirer d’un point de vue comptable. Les Rockets ont la 3e meilleure évaluation offensive du championnat, mais la 3e plus mauvaise évaluation défensive juste devant les adolescents Pelicans et les nourrissons Warriors. Des classements à considérer avec recul, mais indicatifs de deux choses : la stratégie fonctionne offensivement, surtout au vu de la faible réussite à 3 points d’Harden (27%) qui augmentera bien tôt ou tard ; elle est énergivore et ça s’en ressent défensivement. Ça vous rappelle quelqu’un ? Parmi les 122 arrières à 20 minutes ou plus par rencontre, Russell Westbrook est le 2e plus rapide. Il a déjà marqué Houston de son empreinte, pour le meilleur et pour le pire. 

KARL-ANTHONY TOWNS EST un MONSTRE et RYAN SAUNDERS L’A COMPRIS

Après une saison torpillée par la comédie dramatique Jimmy Butler, Minnesota est de retour à sa place dans le ventre mou de la NBA, trop fort pour les petits, trop faible pour les gros. Et cela n’a rien d’infamant compte tenu que seuls 4 de leurs joueurs ont plus de 26 ans. Karl-Anthony Towns a retrouvé l’amour-propre, qui lui faisait défaut, celui d’un joueur qui peut regarder les meilleurs du monde dans les yeux, d’égal à égal.

Comme les Suns, les Wolves reviennent de loin. Comme les Rockets, ils le font en jouer vite. Très vite. Plus vite que quiconque. Pour sa première saison complète en tant qu’entraîneur principal, Ryan Saunders embrasse un style de jeu clair et distinct. Car, en plus d’accélérer autant que faire se peut, Minnesota use énormément du shoot extérieur. 43,4% de leurs tirs sont derrière la ligne à 3 points contre 31,5% l’année dernière. La plus forte progression de toute la ligue.

À l’inverse de la vitesse, le taux de tirs à 3 points n’a pas tendance à fléchir à mesure que la saison avance. Sur les 10 dernières années, celui d’une équipe sur ses cinq premiers matches ne diffère que de 0,5 point de pourcentage par rapport à celui au terme de la saison. L’amour des Wolves pour les tirs primés n’est pas une passade. Même Andrew Wiggins – qui shoote inexplicablement plus que Towns – prend 6,7 tirs à 3 points par match, 3 de plus que sa moyenne en carrière. Sans grande réussite pour le moment, mais les intentions sont là. Et à quoi bon changer de recette, quand le point focal de l’équipe, est littéralement le meilleur intérieur de tous les temps dans l’exercice ? Towns prend 9 tirs à 3 points par match, et en rentre 46,7% ! Seuls James Harden, Damian Lillard, Bradley Beal et Stephen Curry ont la gâchette plus facile.

Quand son pourcentage de réussite retombera inévitablement autour de 40%, il restera une menace qui rendra la vie facile à ses coéquipiers. Saunders utilise Towns sur le périmètre sans pour autant le priver de marquer près du panier. Outre Joel Embiid, Anthony Davis et LaMarcus Aldridge personne ne touche plus de ballons poste bas. Towns n’est pas un joueur de système, il est un système à lui tout seul, une force offensive comme la NBA en a rarement vu. Il dispose enfin d’un entraîneur saisissant l’immensité de ses capacités.

Milwaukee vivra ou mourra par le tir à 3 points

Il n’y a que Houston qui prend une plus grande proportion de ses shoots à 3 points que Milwaukee. Près de la moitié (48,1%) des tirs des Bucks sont des tirs extérieurs. Une donnée, qui dit comme ça, peut paraître positive. Seulement à la différence de Minnesota, cette hausse intervient au détriment du tir le plus efficace qui soit : celui près du cercle. La saison dernière, Milwaukee était la 2e équipe à prendre le plus de tir à 1 mètre ou moins du panier. Cette année, la 24e.

L’une des causes principale de ce changement est le départ de Malcolm Brogdon qui, sans l’air de rien, a toujours été brillant près du cercle en prenant 43% des shoots à 1 mètre ou moins. Les Bucks ont essentiellement donné les minutes de Brogdon à Wesley Matthews et Kyle Korver, dont 74 et 81% des tirs sont pris derrière la ligne à 3 points, contre seulement 16 et 5% à proximité du panier. 

Dépourvus de Brogdon, Giannis Antetokounmpo et Eric Bledsoe sont les uniques menaces réelles de pénétration pour Milwaukee. Antetokounmpo étant la référence absolue dans le domaine, son équipe ne sera pas totalement déficiente en dunks et en lay-ups tant qu’il jouera. Force est de constater néanmoins que la substance de l’attaque les Bucks n’est plus la même. Plutôt que d’attaquer le cercle et de ressortir le ballon pour un shooteur quand la défense se replie, ils pensent 3 points en priorité.

Ils ne semblent pas souffrir de cette nouvelle disposition pour le moment, puisqu’ils possèdent les meilleurs pourcentage de réussite effectif et évaluation offensive de la ligue. Sans se rapprocher du panier ni s’octroyer de lancers francs, la marge d’erreur est simplement plus réduite contre une défense bien préparée et athlétique, comme celle de Philadelphie, leur principal rival de la conférence. L’avenir dira si les Bucks pourront battre les Sixers de la sorte. En tout cas, le changement, c’est maintenant