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Jadeveon Clowney peut remettre la défense des Seahawks au goût du jour

Jadeveon Clowney peut remettre la défense des Seahawks au goût du jour 14 November 2019
Tony Avelar/Associated Press

Des 256 matches disputés chaque année en saison régulière, ils en sont certains qui s’inscrivent dans nos mémoires, qui s’apparentent à des tournants et marquent les esprits. Celui de lundi entre les Seahawks et les 49ers fut l’un d’entre eux, d’abord par sa dramaturgie incluant des turnovers à ne plus savoir qu’en faire, moult actions qui figureront dans les vidéos propagandistes d’après-saison, des interceptions réussies, des interceptions ratées, des erreurs d’arbitrage et même un toss polémique. Par son intrigue aussi, avec la sempiternelle vendetta de Richard Sherman, la fulgurante émergence de Nick Bosa ou la déification de Russell Wilson.

Ce duel de division, évocateur de la plus grande rivalité du début de la décennie, était aussi absurde que divertissant. Dans ce récit aux multiples protagonistes, la défense de Seattle, un coup quelconque un coup médiocre jusque-là, a joué son meilleur match de la saison et revêtu son costume d’antihéros, emmenée par un Jadeveon Clowney reminiscent du jour où il s’est présenté à nous.

À cette époque, il y a sept ans déjà, Seattle s’apprêtait à faire régner terreur et épouvante sur toute la ligue grâce à l’une des meilleures défenses de l’histoire, et remporter le Super Bowl un an plus tard. 

La Legion of Boom n’est plus depuis longtemps, Bobby Wagner et K.J. Wright étant les seuls rescapés, mais la saillance de Clowney a redonné à l’escouade défensive des Seahawks ses lettres de noblesses. Le temps d’une nuit, au moins. Avant ce match, Seattle avait l’air d’une équipe qui n’irait uniquement aussi loin que Russell Wilson la conduirait. Si son potentiel MVP est désormais accompagné d’une défense du niveau qu’elle a montré lundi, un voyage à Miami en février prochain est tout sauf impensable. 

Clowney, que Seattle a obtenu contre un 3e tour de draft, Jacob Martin, Barkevious Mingo (et grâce à l’impéritie des Houston Texans, QUI N’ONT PAS DE GENERAL MANAGER), était le meilleur joueur sur le terrain contre San Francisco. Sur chaque snap ou presque, il s’est retrouvé dans le champ arrière des Niners, terminant la rencontre avec cinq plaquages, cinq pressions sur le quarterback, un sack, un fumble provoqué, un fumble récupéré et un touchdown. Une domination de tous les instants, dont il n’est pas une dizaine d’humains sur terre capables de reproduire.

À l’inverse de la défense dans son ensemble, la dévastation qu’il a suscitée n’était pas nouvelle pour Clowney cette saison. Lors des neuf premiers matches, il avait enregistré cinq plaquages pour perte, sept pressions sur le quarterback, deux sacks, provoqué deux fumbles et récupéré un autre. Contre les Niners, qui récupéraient pourtant leurs tackles titulaires Joe Staley et Mike McGlinchey, il était simplement un cran encore au-dessus, quasiment inarrêtable contre la course, comme contre la passe. 

Jimmy Garoppolo a passé une soirée des plus déplaisantes qui soient pour un quarterback. Même quand il arrivait à lancer ses passes, il n’a jamais semblé à l’aise dans sa poche, complétant une seule de ses 7 passes, lorsque pressé par Clowney. 

Quand son équipe s’est trouvée au bord d’un gouffre bien fâcheux, à défaut d’être insurmontable, dans le 2e quart-temps, Clowney s’est amusé de Staley pour récupérer le fumble provoqué par Jarran Reed. Ce qui était un 10-0 autoritaire en faveur de San Francisco s’est transformé en une petite avance de 3 points, et a remis Seattle dans une partie qui paraissait lui échapper.

Dans le 3e quart-temps, Clowney était l’instigateur principal d’une nouvelle action décisive. Cette fois sur la gauche de la ligne défensive, il a poussé McGlinchey sur ses talons avec un bull-rush d’école, avant de tendre le bras et enlever le ballon des mains de Garoppolo. De la force à l’état pure. Poona Ford n’a plus eu qu’à jeter ses 140 kilos sur le ballon pour redonner la possession à Seattle, tout près de la zone rouge. Quatre jeux plus tard, Chris Carson marquait le troisième touchdown des Seahawks (10-21).

Quand il ne provoquait ou ne récupérait pas de fumble lui-même, Clowney aidait ses coéquipiers à remplir leurs lignes de stats. Deux des sacks des Seahawks n’étaient pas à son actif, mais il était la raison de leur occurrence. D’abord au début du 3e quart-temps, il a une nouvelle fois battu Staley, forçant Garoppolo à avancer tout droit dans les bras de Jarran Reed et Poona Ford, qui n’en demandaient pas tant. Puis, dans le 4e quart-temps, c’est de McGlinchey qu’il s’est de nouveau joué. Garoppolo le voyant arriver mains en l’air, gênant sa ligne de passe, n’a eu d’autre choix que de refuser un lancer désastreux et prendre le sack d’Al Woods.

Clowney n’a fait que hausser son niveau de jeu à mesure le match avançait. Il a presque causé l’interception gagnante en fin de match, en obligeant Garoppolo à cibler Kendrick Bourne pourtant parfaitement couvert par Bobby Wagner. Malheureusement pour Seattle, Wagner ne s’est pas saisi du ballon, les Niners ont continué de progresser et marqué le field goal pour envoyer le match en prolongations.

Des prolongations au cours desquelles Clowney s’est encore distingué, quand il a fallu rattraper l’interception inopportune de Russell Wilson, sur la première possession. Après l’avoir retournée dans le territoire de Seahawks, San Francisco a rapidement avancé jusqu’à 2e et 2 sur la ligne des 30 yards de Seattle. Tout indiquait à ce moment-là que les Niners bougeraient encore un peu les chaînes et l’emporteraient à la suite d’un field goal facile. 

Sur cette deuxième tentative, Clowney a fait exploser la protection de Michael Person et plaqué Raheem Mostert sur la ligne de scrimmage, en un seul appui. Sur la troisième tentative, il a repoussé McGlinchey dans le champ arrière dès la mise en jeu, pile sur la trajectoire de course de Mostert, qui a dû se recentrer et se faire avaler par le reste des Seahawks.

À charge de récidive

Les Niners et Chase McLaughlin ont été contraints de tenter et de manquer un field goal à 47 yards. Les Seahawks ont eu besoin de quelques possessions de plus pour sceller le sort du match, mais en relater la manière serait insignifiant par rapport à la conclusion principale de cette rencontre : Clowney, à lui tout seul, a porté les siens à la victoire, comme il est de plus en plus rare pour un défenseur de le faire. Une prouesse individuelle digne de Khalil Mack, Aaron Donald ou J.J. Watt de la grande époque, sublimée par le fait qu’elle intervienne contre la seule équipe encore invaincue. La question désormais étant de savoir si cette performance était le coup d’un soir, ou l’histoire d’un amour retrouvé.

Il ne serait finalement pas surprenant que cette prestation de la défense de Seattle s’avère être une exception, à l’issue de la saison. Avant la semaine 10, les Seahawks avaient l’avant-dernier taux de pression sur le quarterback (15,5 %) et la 6e plus mauvaise défense (ajustée à l’adversaire) du championnat. Du beurre. 

Cependant, certains éléments portent à croire en un véritable renouveau. Après cinq saisons dans la défense 3-4 de Houston, Clowney se réacclimate doucement au système 4-3 qui lui sied bien plus. Si cette victoire à Santa Clara est un signe avant-coureur, c’est toute la défense qui pourrait lui emboîter le pas. Un grand défenseur peut ouvrir des brèches à ses coéquipiers, en attestent les performances de Poona Ford, Jarran Reed et Al Woods, lundi. Ces quatre ont restreint la 2e attaque au sol de la ligue à 27 portées et 87 yards, bien loin des 171,1 yards par match qu’elle obtenait jusque-là. Jimmy Garoppolo a subi la pression sur 35,3% de ses dropbacks, contre 26,2% les neuf premières semaines.

Le chantier réalisé par le front-four de Seattle a également permis aux arrières défensifs, notamment Quandre Diggs tout juste arrivé de Detroit, d’élever leur niveau. Garoppolo n’a complété que 3 de ses 18 tentatives de passe de plus de 10 yards, avec une interception en prime. D’habitude placide et pondéré, le quarterback des Niners était, cette fois, en proie à la précipitation, lançant plusieurs de ses passes sur son mauvais appui.

Pour la première fois depuis une éternité, la défense et non les exploits de son quarterback ont fait gagner les Seahawks. En contribuant à l’essor de Ford, Reed, Wagner, Diggs et de Shaquill Griffin en constante progression, Jadeveon Clowney a fait renaître de ses cendres une unité qui fit jadis trembler l’ensemble de la ligue. Il est la clef de voûte, l’alpha et l’oméga d’un retour de l’Ordre du Phénix.