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Chris Paul l’éternel se régale et nous régale

Chris Paul l’éternel se régale et nous régale 9 January 2020
Alonzo Adams/USA Today Sports

Une fois la rumeur d’un nouveau mastodonte en Californie retombée, le développement de Shai Gilgeous-Alexander était l’autre ramification manifeste du trade entre le Thunder et les Clippers, cet été. Quid du rôle du meneur de 21 ans, après une saison qui l’a vu être encore meilleur pendant les playoffs que durant la saison régulière, un haut fait généralement des plus complexes pour un rookie. Allait-il jouir de la même liberté balle en main que celle accordée par Doc Rivers à Los Angeles ? 

La question était d’autant plus pertinente qu’il s’apprêtait à évoluer aux côtés de Russell Westbrook, qui avait un taux d’usage de 30,1% la saison précédente. Et puis cinq jours plus tard, Sam Presti a réussi un tour de passe-passe, qui s’est depuis avéré autant bénéfique pour le présent d’Oklahoma City que pour son futur. En échangeant Westbrook contre Chris Paul, deux 1er tours de draft et deux éventuelles inversions de choix, le Thunder a clairement fait de Gilgeous-Alexander la pierre angulaire de la franchise.

Westbrook est toujours l’un des 20 meilleurs joueurs du monde, amende quelconque équipe dont il revêtit le maillot, mais son jeu n’est pas exactement complémentaire de celui d’un meneur de 2e année tout aussi avide de ballons. Paul à l’inverse est le compagnon de route idéal pour un arrière en phase d’apprentissage, un intellectuel du jeu et le gestionnaire ultime. Pour plus d’informations, veuillez vous référer sa vivisection opérée sur les Brooklyn Nets, mardi, où chaque panier faisait office de doigt d’honneur à ceux ayant prématurément signé son arrêt de mort.

L’ACCEPTATION DE LA VIEILLESSE

Après avoir été le n°1 bis des Rockets 2017-2018 – une équipe pas loin d’être la meilleure à ne pas avoir remporté le titre – son volume de tir et son efficacité se sont largement affalés la saison dernière. Il était passé de 15,6 tirs par 36 minutes à seulement 14, en plus de son plus mauvais pourcentage de tirs effectif (50,8%) depuis 2011, et un taux de turnover tout à fait inhabituel. 

Cette douloureuse transition passée, Paul est de retour à Oklahoma City où il a débuté sa carrière, mais à un stade désormais bien différent. Ce n’est sûrement pas la situation ni les coéquipiers qu’il souhaitait avoir à 34 ans, mais elle lui offre la combinaison parfaite de trois facteurs primordiaux : l’immédiate compétitivité, l’influence dans la reconstruction d’une franchise, et surtout la possibilité de restaurer sa réputation.

Que les raisons soient tout le temps fondées ou non, il a irrité ou écœuré partout où il est passé. Des coéquipiers, des entraîneurs et des observateurs. La plupart des critiques émises à son encontre émanent de son esprit de compétition, à la limite du maladif, et son désir constant de tendre à la perfection. Il est complètement altruiste quand des opportunités de marquer se présentent à ses coéquipiers, du moment qu’il en est à l’origine. Cela se tient en théorie, au vu de ses statistiques franchement historiques en position de créateur principal. Mais en pratique, le leadership doit inclure empathie et patience, des qualités dont il a cruellement fait défaut jusqu’ici.

Quand les choses sont allées de travers, il a laissé sa frustration déborder, prendre le meilleur de lui et affecter ses rapports avec ses coéquipiers. Les exemples à la vue du monde entier comme en coulisses sont foison, au point que Blake Griffin et DeAndre Jordan l’aient ostracisé à Los Angeles, que James Harden ait implicitement demandé son départ de Houston

Mais si ces défauts semblent rendre misérable l’expérience de jouer à ses côtés, Paul présente des qualités souvent mésestimées, dont ont déjà pu bénéficier d’autres jeunes arrières par le passé. Darren Collison a joué une saison avec lui à New Orleans, puis une autre à Los Angeles. Il en est devenu l’incarnation même du général de parquet, et pourrait jouer un rôle crucial dans la course au titre, après sa retraite surprise de l’été dernier. Eric Bledsoe a passé trois saisons derrière Paul, chez les Clippers. Il y a appris à être un meilleur passeur, un scoreur placide en sortie de pick-and-roll, et un précieux savoir-faire dans la défense sur le porteur de balle.

À présent clairement établi dans la peau du sage vétéran, il sert de précepteur à de nouvelles jeunes pousses. De Gilgeous-Alexander à Darius Bazley, en passant par Deonte Burton et Terrance Ferguson, le tout en aidant Dennis Schröder à réaliser de loin la meilleure saison de sa carrière. 

Dans les cas de Schröder et Gilgeous-Alexander, dont les tâches et registres sont plus étendus, ils n’ont même pas à patienter et attendre leur tour pour partager les rennes de l’équipe. Ils ont tous les deux les taux d’usage les plus élevés du Thunder, devant Danilo Gallinari. Chris Paul n’est que 4e. Il n’a pas moins monopolisé le ballon depuis 2010-2011, avec les Hornets, et n’a pas pris moins de tirs par 36 minutes depuis 2012-2013, avec les Clippers. 

Paul et SGA ont été exquis ensemble jusqu’à présent, se distribuant les possessions sur demi-terrain en fonction des défenses et des matchups en face d’eux. Paul a joué 109 possessions en isolation depuis le début de la saison, mais Gilgeous-Alexander est juste derrière avec 92. Preuve de leur merveilleuse entente, 20,7% des passes de l’aîné sont allées à son cadet, cette année, plus qu’à n’importe quel autre coéquipier.

UNE efficience contagieuse

D’un point de vue individuel, Chris Paul livre une saison optimale en termes de sélection et d’efficacité aux tirs. Son pourcentage effectif (53,4%) est le quatrième plus élevé de ses 15 saisons au haut niveau, ce qui est remarquable pour deux raisons : d’abord parce qu’il est incroyablement complexe de maintenir un tel niveau d’efficacité après tant d’années et de minutes jouées, ensuite parce qu’il a toujours été au-delà de 50%, en dehors de ses deux premières années dans la ligue. Il a également retrouvé sa légendaire protection de balle, avec un taux de turnovers de 12,7%, bien meilleur que les 15,8% de la saison dernière, la pire marque de sa carrière. 

OKC fait tourner et partage le ballon. Un jeu aux antipodes des années Westbrook, dont son successeur est le premier responsable. Sa moyenne de passes décisives a beau être considérablement en baisse, il a complètement changé la culture tactique du Thunder. Le fait qu’il soit infiniment meilleur sans le ballon permet à Billy Donovan de déployer des compositions à trois meneurs, sans que le spacing en souffre. Et peut-être est-ce l’air de l’Oklahoma, Paul est parfaitement enclin à initier les possessions offensives et laisser les autres arrières pénétrer et décomposer les défenses.

Simple et efficace. La passe en relais permet à Gilgeous-Alexander de glisser dans le pick-and-roll avec Steven Adams. Gallinari est dans le corner. Un simple écran sans ballon lui aurait offert un tir ouvert sur l’aile, si la défense avait coupé la route du Canadien vers le cercle. Il est tellement rapide, qu’il n’en a pas besoin.  

Paul est aussi impliqué dans des jeux simples avec Schröder pour aller dans la peinture. L’action suivante ne lui demande pas beaucoup d’effort, mais il s’écarte exactement au bon moment pour laisser son coéquipier créer un déséquilibre. 

Au lieu de faire le tour de Nerlens Noel et recentrer l’action, il redonne simplement le ballon à Schröder et pose son propre écran sur Seth Curry, le tout en un mouvement. Schröder est lancé, la défense n’a pas le temps de s’adapter.

Sans Kevin Durant, ni Paul George, ni Russell Westbrook, Billy Donovan peut enfin instaurer plus de mouvement dans son attaque, sans risquer de froisser les egos. Chris Paul est plus âgé et joue moins que Westbrook, impliquant plus de minutes où seuls les autres jeunes arrières du Thunder sont sur le parquet. L’occasion de préconiser un partage plus égalitaire des responsabilités. 

Sur les quatre dernières saisons, OKC avait une moyenne de 248,6 passes par match, de loin le plus mauvais élève de la ligue. Cette saison, leur nombre de passes a explosé à 293,4 (11e). Lorsque Paul, Gilgeous-Alexander et Schröder sont ensemble sur le parquet, le Thunder marque 125 points par 100 possessions. De tous les trios de la ligue ayant joué au moins 200 minutes cette saison, il est celui avec le meilleur différentiel de points par 100 possessions (+27,6).

En revanche, malgré le changement de personnel, Oklahoma City use toujours énormément du pick-and-roll, notamment avec Nerlens Noel. Une agréable surprise tant il était en difficulté ces dernières saisons. Il finit 74,5% de ses tirs en sortie de pick-and-roll cette année, contre seulement 53,8% l’année dernière. Là aussi, Chris Paul y est pour beaucoup. 

Soit il se joue des défenses avec ses changements de direction après l’écran, soit il use des appels de Noel à son avantage. Et quand le défenseur côté faible apporte son aide à l’intérieur, ça devient du beurre pour un passeur de son niveau. Il n’a plus qu’à trouver son homme dans le corner et le laisser travailler. 

Pour le plaisir des yeux, il a même emmené son génial dribble yoyo de Houston à Oklahoma City et continue de duper les défenseurs intérieurs à souhait.

De tous les aspects positifs que Paul apporte au Thunder, aucun n’est plus précieux que sa maestria à mi-distance. OKC était 16e en fréquence de tirs pris à 4 mètres ou plus du panier et 28e en efficacité (36,8%), il y a tout juste 9 mois. Avec Paul, le Schröder nouveau et l’émergence de Gilgeous-Alexander, OKC est désormais 8e en fréquence de tirs pris dans le mid-range. Ce qui n’est pas forcément une bonne chose en soi, à moins que vous ne les rentriez à un taux de réussite infernal, comme le Thunder cette saison à 47%. Le 2e meilleur pourcentage du championnat, derrière Milwaukee.

(Avec Kevin Durant sur le flanc) Chris Paul est le meilleur joueur du monde dans l’exercice. De tous les joueurs à plus de 100 tentatives à mi-distance, il est le plus efficace avec 56,1% de réussite. Donovan Mitchell, qui le suit au classement, est à 6,1 points de pourcentage derrière ! De telles statistiques à ce stade de sa carrière sont ahurissantes. La variété et le degré de difficulté des astuces dont il use pour se créer de l’espace sont ce que le basket produit de plus comparable à un film pour adultes.

Quand il faut décider de l’issue d’une rencontre et créer une action positive sur demi-terrain, il reste la référence absolue. Dans les 4e quart-temps, il a rentré 65,8% de ses tentatives depuis le mid-range, 61,9% de tous ses tirs à 2 points, 38,6% à 3 points, et 95% de ses lancers francs. Clutchissime. Pour plus d’informations, veuillez de nouveau vous référer sa vivisection opérée sur les Brooklyn Nets, mardi. Ou encore à celle sur les Dallas Mavericks, pour leur souhaiter la bonne année.

Les arrières absorbent sa connaissance, les intérieurs sont gavés de caviar et le staff peut enfin faire preuve de créativité offensive. À presque mi-saison, Oklahoma City est 7e dans la Conférence Ouest, avec plus d’avance sur le 8e San Antonio, que de retard sur le 2e Denver. Surtout, Chris Paul donne l’impression de prendre son pied. Ce ne sera peut-être plus le cas quand le Thunder se fera punir en playoffs, mais à l’heure où d’autres stars dans des situations similaires ne jouent pas exactement le jeu, son attitude est tout aussi louable que son niveau de performance. Longue vie au Point God.