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Les Seahawks obligent Russell Wilson à être parfait

Les Seahawks obligent Russell Wilson à être parfait 3 January 2020
Dean Rutz/The Seattle Times

Lors de la 1re mi-temps de la défaite contre San Francisco, dimanche dernier, l’attaque de Seattle a fait preuve d’une apathie telle, que la qualifier de léthargique serait lui donner un compliment. Les Seahawks étaient menés 0-13 à la pause et avaient l’air encore plus amorphes que contre Arizona, la semaine précédente. Une triste prestation que même le retour de Marshawn Lynch ne semblait pouvoir égayer.

Et puis, en 2e mi-temps, Seattle est redevenue la machine offensive qui a permis à Chris Carson de courir pour 1230 yards cette saison, à Russell Wilson de récolter les lauriers médiatiques qu’il méritait depuis longtemps, et à DK Metcalf de voir son nom mentionner dans la course au rookie de l’année. En 30 minutes, les Seahawks ont marqué 21 points et produit 269 yards contre une défense qui n’en a concédé que 281,8 par match.
 
Ils étaient à un retard de jeu près d’offrir à Lynch l’opportunité de marquer à 1 yard de la end zone, remporter la NFC ouest et corriger la désolante conclusion du Super Bowl XLIX. Trois jeux plus tard, Jacob Hollister a échoué de quelques centimètres d’accomplir la même prouesse, bien que de façon moins poétique. 

Ce 16e match des Seahawks était leur 12e de la saison dont le score final départageait les deux équipes de 8 points ou moins. Tout sauf une terre inconnue. En revanche, la défaite au bout de cette énième partie serrée était, elle, une rareté. La deuxième seulement décidée par une possession, et cela, largement grâce aux exploits de Russell Wilson. 

Dans un monde où Lamar Jackson n’existait pas, Wilson aurait dûment été le MVP 2019. Dans une carrière déjà sidérale, qui l’emmènera tout droit à Canton à son issue, cette saison a été sa meilleure, malgré une fin de championnat un peu plus poussive. Il a frôlé la perfection, nonobstant des conditions défavorables, et mené une équipe tout juste bonne à un bilan tout bonnement excellent. Le problème pour les Seahawks, dans leur quête d’une deuxième Super Bowl, est que leur marge d’erreur est inexistante lorsque Wilson n’est pas le meilleur joueur sur le terrain.

Pour notre plus grand plaisir de le voir sortir de sa poche et se muer en Houdini, et au grand dam de la santé mentale de ses proches, Russell Wilson sait mieux que quiconque ce qu’est jouer sous pression. Depuis son arrivée en NFL en 2012, il est seul quarterback à avoir subi la pression adverse sur 40% ou plus de ses dropbacks. 

La réticence de Seattle à investir plus que cela dans la ligne offensive s’explique en partie par le fait qu’il n’ait littéralement aucun égal dans cette configuration. Son évaluation à 79,6 sous pression est la meilleure de la ligue depuis 2012. Personne n’a été plus souvent dans de mauvaises situations que Wilson et personne ne s’en est aussi bien sorti que lui.

Rien n’était bien différent quand Seattle commençait la saison avec 7 victoires en 9 matches. Wilson était sous pression sur 41,6% de ses dropbacks, seulement il évoluait dans une stratosphère au-delà de ses pairs et du commun des mortels. Cette saison, l’évaluation moyenne des quarterbacks sans pression était de 99,8. Sur ces 9 rencontres, l’évaluation de Wilson SOUS PRESSION était de 112,1 (!) et les Seahawks produisaient 6,1 yards par jeu, la 2e meilleure marque de la ligue. 

Les trames antagoniques des deux mi-temps de la semaine 17 étaient, en somme, un microcosme de la saison en deux temps de Seattle. Les performances d’un quarterback sous pression sont beaucoup moins lisibles que celles dans une poche propre. En dépit de son talent, ce n’était qu’une question de temps pour que les statistiques de Wilson reviennent à la normale. La première rencontre des Seahawks contre les 49ers, en semaine 10, était le point de bascule.

Depuis, Seattle a produit 1,0 yard par jeu sous pression, la plus mauvaise marque de ligue. C’est-à-dire moins bien que les Steelers avec Delvin Hodges, que les Panthers avec Kyle Allen et Will Grier, et que les Lions avec quelque chose qui s’appelle David Blough. Le taux de sacks subis par Wilson a explosé de 10 points de pourcentage et son évaluation sous pression est retombée à 49,4

Entre meilleur quarterback de l’histoire et quarterback médiocre, ces chiffres devraient s’équilibrer contre Philadelphie, et plus si affinités, mais sans Duane Brown, leur meilleur lineman offensif, Seattle aura de nouveau besoin que Wilson enfile sa cape de super-héros.

La course contre le score

En un sens, l’opposition de ce week-end entre Eagles et Seahawks est particulièrement seyante. Ce sont les seules équipes qualifiées pour les playoffs à avoir joué plus de 500 snaps en attaque en étant menée au score (592 pour Philadelphie, 565 pour Seattle). Une donnée qui semble indiquer l’efficacité des Seahawks dans pareilles situations.

Sur ces 565 snaps, Wilson a lancé 19 touchdowns et 1 interception et a une évaluation de 91,9, la meilleure de la NFL. Quand le sort d’une rencontre a été entre ses mains, il a répondu présent et bien plus encore. Tout ce dont attendent des coéquipiers, un entraîneur et toute une organisation d’un leader de franchise.

Mais le fait que Russell Wilson sache gagner de la sorte n’est en aucun cas indicateur que cela puisse durer, le dernier match en attestant. De la même manière que le fait qu’il soit le meilleur du monde sous pression n’implique pas qu’il est inutile de le protéger. Pour que Wilson joue son football plus sereinement, avec l’avantage au score, les Seahawks devront s’appuyer sur lui davantage et plus promptement. À quoi bon avoir un des meilleurs joueurs de la ligue, si l’on attend d’être dans une situation désespérée pour le laisser opérer ? Il est assez fort pour créer des jeux productifs sur 3e tentative, sous pression et/ou en ramenant son équipe d’outre-tombe, mais plus il doit composer avec ces vents contraires, plus la corde de Seattle se raidit.

La défense était la fondation de tout ce que faisaient les Seahawks quand ils étaient parmi les favoris au titre, entre 2012 et 2016. Depuis, ils n’ont jamais eu l’une des douze meilleures, et ont même eu l’une des douze plus mauvaises les deux dernières saisons. Il y a moins de deux mois, j’écrivais que Jadeveon Clowney pouvait être le catalyste d’un retour au premier plan, mais sa santé ne lui a permis que de jouer 3 des 6 derniers matches de la saison régulière.

La défense de Seattle est mauvaise, mais sauvée par les turnovers. Elle en a provoqués 29, la 4e meilleure équipe de la ligue dans l’exercice, mais concède 5,5 yards par jeu, soit plus que 26 autres équipes. Comme une éphémère application de désodorisant dans des toilettes publiques, bien défendre en se reposant uniquement sur les pertes de balles adverses n’est pas une solution de longue durée.

Tous les espoirs ou presque d’une victoire à Philadelphie et surtout d’une chance viable d’être du Super Bowl à Miami reposent donc sur Russell Wilson. Le voir lancer des passes d’une précision cristalline, esquivant les plaquages d’êtres humains deux têtes plus grands que lui, est ce que la NFL nous donne plus divertissant. Cela et les turnovers ont permis aux Seahawks de glaner 11 victoires, dont le meilleur total de leur histoire à l’extérieur, et d’être à deux doigts de remporter leur division, malgré un différentiel de points plus petit que celui des Tampa Bay Buccaneers.

Tant que Wilson sera, ils ne commenceront pas beaucoup de match sans le meilleur joueur au poste le plus important. Il est paradoxalement la plus grande qualité et le plus grand défaut de son équipe, qui considère sa classe comme acquise. Pour s’imposer dimanche, Pete Caroll et Brian Schottenheimer devront utiliser leur atout plus tôt qu’ils ne l’ont fait jusqu’à présent, et sur les premiers downs, quand les opportunités de passes sont plus favorables. 

Autrement, Russell Wilson devra être parfait. Il sait le faire et l’a déjà fait, mais lui demander de le reproduire trois semaines d’affilée contre une Conférence nationale historiquement relevée, puis au Super Bowl, scellera le destin des Seahawks bien plus tôt qu’ils ne l’espèrent.